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Et revoir Cunégonde...

Vous souvenez-vous de Cunégonde ?

Oui, Cunégonde, qui passait sa vie dans les trains... à écouter les gens... et sa chevelure virevoltant au vent...

J'imagine la revoir après tant de mois de vie... chacune dans notre monde. 

Sa vie n'a pas vraiment changé. Elle est toujours là, patientant sur les quais de gare, déambulant dans les wagons, ou assise, le regard rêveur fixé sur les beaux paysages helvétiques faits de lacs et de montagne. Ou à l'écoute de cette âme en peine qui a besoin de vider son trop plein de douleurs, à rire avec ceux qui rient, à pleurer avec ceux qui pleurent, le regard bienveillant, le coeur paisible. Donnant d'elle pour encourager l'autre...

Je crois que c'est celle que j'aimerais être. 

Et que je ne suis pas. Ou si peu.

Mais voilà, tant de mois, et même d'années se sont passées, et je la croise à nouveau. 

Le wagon est vide. Mais elle s'est assise en face de moi. Elle m'a reconnu. Rien que ça fait déjà du bien. 

Car maintenant je suis grand-mère. J'ai les cheveux gris. Quelques ridules en plus. Moins d'énergie. Et un demi-siècle.

Et parfois la vie n'est pas simple. Ah... pour vous aussi ?

Elle me demande de mes nouvelles. Des nouvelles des miens. Et je raconte. 

Je raconte mes joyeuses petites-filles, si jolies, que je garde régulièrement... malgré la joie de les avoir, de rire et jouer avec elles, de les bercer, je suis soulagée de les rendre le soir, fatiguée... et je me pose alors la question : moi, est-ce vraiment moi qui ai élevé 4 enfants ? Qui les ai nourris, bercés, lavés, accompagnés, les accompagnant pour les devoirs, gérant les conflits, les éduquant, les consolant... ? Je ne comprends pas où j'ai trouvé l'énergie, je me félicite moi-même de ces exploits ! 

Je raconte mes enfants-adultes. Mes enfants qui le seront toujours. Mes enfants qui se cherchent, qui se trouvent pour certains. Je raconte ceux qui rament, ceux qui sont heureux, ceux qui ont des problèmes de santé, ceux qui m'ont fait pleurer la nuit, le jour, qui m'ont empêché de dormir. Tous m'ont empêché de dormir. Tous m'ont fait pleurer. Tous me rendent fière et me donnent de la joie. 

Je raconte le lâcher-prise, à apprendre, apprendre encore. Apprendre toujours. Lâcher toujours plus. Et quand on croit avoir lâché le plus qu'on peut, devoir pourtant encore lâcher plus. Et les joies, les pleurs de joie aussi, lorsque certains soucis s'envolent bien loin, lors d'amélioration de la situation. Le soulagement quand la tempête est derrière. Je raconte la vie de parents. 

Je lui dis qu'enfin j'ai réalisé que la vie sera toujours pleine d'aléas. C'est comme ça. Qu'il faut se réjouir quand ça va bien. Garder confiance quand ça va moins bien. Je raconte que je n'arriverais pas à traverser tout ça sans croire que c'est Dieu qui tient tout dans Sa main. 

Je raconte les mauvaises nouvelles proches ou lointaines qui ébranlent parfois ma foi en Dieu, en l'humain ou en la vie, tout simplement. Je raconte que je réalise de plus en plus que seul Dieu ne change pas. Quel rocher. Quel roc. Quelle forteresse. 

Toujours à l'écoute, Cunégonde. Je m'étale. Je m'exclame. Mes émotions diverses se lisent sur mon visage. Mes larmes coulent parfois. Ce regard bienveillant, que ça fait du bien. Cette écoute sans jugement, m'aide à tout sortir. Mes doutes, mes craintes, tout ce que je garde en moi qui me fait mal. 

Cunégonde, j'aimerais tellement te ressembler. Si paisible, si douce, pourtant si particulière avec ta robe moyenâgeuse et ta chevelure virevoltante. Mais tu es toi. Tu te fiches de ce que les gens peuvent penser de toi. Et tu aimes, tout simplement. Aimer, tout simplement. Ni plus. Ni moins. 

Ayant évacué tous mes tracas, je rigole à travers mes larmes et je lui dis que je suis tellement reconnaissante pour toutes les bontés du Seigneur. Tout ce qui va bien. Toutes ces bénédictions que je ne mérite absolument pas, mais j'en suis tellement reconnaissante. Tellement reconnaissante pour toutes ces petites et grandes choses qui ponctuent ma vie et me rappellent qu'un Dieu d'amour prend soin de nous : que ça soit les oiseaux, la nature, notre maison chaude, l'électricité, les amis, le soleil, la santé, la famille, les rires de mes petites-filles... et même ce chat qui ronronne sur moi...

Oui, malgré les tempêtes, la vie est belle. Le voyage est passionnant. 

Je suis arrivée à ma destination. Mes larmes ont séché, je me sens allégée. Je me lève et remercie Cunégonde pour son écoute qui m'a fait grand bien. Je ne savais même pas que j'avais tant à dire, et son regard bienveillant sans jugement a fait sortir de ma bouche des choses insoupçonnées que je ne savais pas si lourdes en moi. 

Je lui dis au revoir, et juste avant de disparaître à sa vue, je me retourne pour lui faire un petit signe de la main, mais la voilà les yeux fermés... les mains jointes... 

Merci. 


PS : je réalise après coup que Cunégonde a bien changé depuis son dernier courrier qui m'était adressé. Je crois déceler en elle une paix qu'elle n'avait pas auparavant. J'imagine que l'Auteur de la Vie n'y est pas pour rien. Il faudra que je lui en parle la prochaine fois. 


Mon commentaire :  

Ce personnage qui n'existe pas (mais que j'aime bien !), cette rencontre imaginaire (bercée par le roulement du train !), juste pour vous donner quelques nouvelles après tant de temps ! J'espère que le négatif ne ressort pas trop de ce texte, car je vais plutôt bien, et les miens aussi ! Mais la vie n'est pas simple, il y a eu des temps difficiles, il y en aura encore. J'en vis encore. 

L'écoute bienveillante et les prières de mes amies, de ma famille sont tellement encourageant quand on vit des tempêtes ! Pouvoir se confier fait du bien. Savoir que Dieu est au commande, ce Dieu qui nous aime, même si on ne comprend absolument rien de ce qui se passe, est vital pour moi.  Croire que cette vie n'est pas tout aussi. Croire qu'il y en a une bien meilleure après, m'aide à relativiser les choses.

C'est fou comme la vie m'apprend au fil du temps que je dois juste compter sur la grâce de Dieu. Sur sa force et non la mienne. Mon imperfection me désespère parfois. Oui, j'aimerais ressembler à Cunégonde, si douce, si paisible. Mais Dieu m'aime (t'aime !) telle que je suis, il sait de quoi je suis faite. Et je le remercie intensément pour cette amour, pour son pardon infini. Pour ce regard bienveillant et son écoute sans jugement. 

Courage dans tout ce que tu vis. Confie-toi dans le Seigneur, ne désespère pas. Trouve une oreille bienveillante, prie, persévère, accroche-toi. Garde espoir. Dieu veille. 

Il t'aime.


'Ceux qui étaient partis en mer sur leur bateau et travaillaient sur les grandes eaux, 
ceux-là ont vu la façon d’agir de l’Eternel et ses merveilles en haute mer. 
D’un mot, il a fait souffler un vent de tempête qui a soulevé les vagues de la mer. 
Ils montaient vers le ciel, ils descendaient dans l’abîme, ils étaient angoissés face au danger; 
saisis de vertige, ils titubaient comme un homme ivre, 
et toute leur habileté était réduite à néant. 
Dans leur détresse, ils ont crié à l’Eternel, et il les a délivrés de leurs angoisses: 
il a arrêté la tempête, ramené le calme, et les vagues se sont calmées. 
Ils se sont réjouis de ce qu’elles s’étaient apaisées, et l’Eternel les a conduits au port désiré. 
Qu’ils louent l’Eternel pour sa bonté et pour ses merveilles en faveur des hommes! '


Psaumes 107:23-31

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